2024: il est décisif de matérialiser les ambitions ESG dans les investissements
Entretien avec Bruno Blavier, Head of ESG Real Estate, Swiss Life Asset Managers France
April 17, 2024Real Estate
Propos recueillis par Frederic Charlot-Nicolas Correia
En prélude au France GRI 2024, Bruno Blavier, responsable ESG Real Estate chez Swiss Life Asset Managers France, a accordé une interview exclusive au GRI Club sur l’investissement responsable dans l’immobilier.
Cela se traduit, au niveau des véhicules d’investissement, par des critères sur différents thèmes environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).
A titre d’exemple, on peut citer la sélection d’actifs immobiliers sobres énergétiquement, l’exclusion des actifs énergivores, ou la rénovation d’actifs pour les rendre plus performants.
Il résulte donc de la démarche d’investissement responsable, un certain niveau de performance extra-financière pour les portefeuilles et actifs sous-jacents.
Un nombre croissant d’investisseurs, de sociétés de gestions et fournisseurs de solutions d’investissement, sont convaincus qu’une démarche pertinente d’investissement responsable, est porteuse de création de valeur sur le long terme et permet de financer une économie plus vertueuse.
Le CRREM propose, pour chaque typologie d’actif et chaque pays, un budget annuel en matière d’intensité énergétique (en kWh/m²/an) et carbone (en kgCO2eq/m²/an) : les fameuses « courbes CRREM ».
Ces courbes résultent de la déclinaison d’un budget global permettant de limiter le réchauffement à 2°C, idéalement 1,5°C à horizon 2050.
Lorsqu’on cherche à identifier le potentiel de décarbonation d’actifs immobiliers précis, on remarque de grandes disparités.
Ainsi, un actif des années 1990, chauffé collectivement au gaz et encore jamais rénové, recèle un important potentiel technique d’amélioration en rénovation, compatible avec les trajectoires net zero 2050. La situation sera différente sur un actif haussmannien au chauffage individuel.
Certains portefeuilles peuvent être rendus compatibles avec une courbe « 1,5°C », d’autres seulement pour un une certaine période ou pas du tout. Néanmoins, actionner les leviers disponibles reste une bonne idée pour gérer le risque de transition.
Au-delà du potentiel technique, la concrétisation des ambitions net-zero dépend de leur faisabilité économique et financière. Concrètement, cela signifie savoir objectiver si les plans net-zero sont créateurs, protecteurs, ou à l’inverse destructeurs de valeur. C’est sur cet aspect essentiel que les acteurs de marché, en particulier Swiss Life Asset Managers, essaient actuellement d’apporter des réponses. Le sujet du financement, à des taux adaptés et de manière déconsolidante lorsque cela est possible, est également clé.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu’une grande part de la performance carbone d’un actif immobilier se joue en exploitation. Pour cette raison, il est important de piloter finement les actifs, notamment au travers de systèmes de gestion technique du bâtiment et autres technologies innovantes. Mais les comportements des utilisateurs, et leur mobilisation autour des démarches de sobriété, sont clés notamment pour éviter l’effet rebond.
Pour conclure, toutes les conditions nécessaires à la tenue des engagements net zero de l’Accord de Paris, ne sont aujourd’hui pas réunies. Il est également possible qu’à l’avenir, nous soyons amenés à nous référer à des courbes 2°C, voire 2,5°C. Ou que des ruptures technologiques changent la donne. Il n’en reste pas moins important d’agir dès maintenant, et de se préparer à agir dans le cadre du nouveau cycle immobilier. Swiss Life Asset Managers et ses clients s’emploient à matérialiser les ambitions ESG dans les investissements.
D’une part, le carbone « embarqué » lors de la construction et des rénovations : C’est bien sur le cycle de vie complet qu’il faut regarder les émissions de gaz à effet de serre, pour prendre les décisions d’investissement les plus pertinentes. Chez Swiss Life Asset Managers, nous systématisons d’ores et déjà cette analyse dans le cadre des rénovations importantes.
D’autre part, le changement climatique étant déjà à l’œuvre, organiser la résilience des portefeuilles face aux risques physiques climatiques, est essentiel. C’est un sujet sur lequel les acteurs du marché sont moins matures, et auquel on n’accorde peut-être pas l’importance suffisante.
Certains risques, comme l’augmentation des températures moyennes, les vagues de chaleur, le retrait-gonflement des sols, vont s’accroître dans les années à venir. Ils sont susceptibles de mettre en péril le confort des occupants et/ou la pérennité des composants voire des édifices. Il est donc pertinent pour les acteurs de marché, d’aller au-delà d’une analyse superficielle de l’exposition aux risques des portefeuilles, et de déployer les méthodologies permettant d’identifier finement les vulnérabilités des actifs et de mettre en œuvre les actions d’adaptation au changement climatique, en bonne coordination avec les actions dite d’atténuation, c’est-à-dire la décarbonation.
En matière d’émissions de gaz à effet de serre (GES) tout d’abord : Les Accords de Paris ont été signés en 2015, et les trajectoires « net zero » de réduction des émissions de GES, permettant de limiter le réchauffement planétaire à 2°C, n’ont jusqu’ici pas été respectées.
C’est la raison pour laquelle, en immobilier, le CRREM a publié en 2023 une seconde version, plus exigeante, de ses courbes de références. Les émissions depuis 2015 ayant été trop élevées, le rythme de réduction nécessaire à la tenue des objectifs est, pour les années à venir, d’autant plus important.
En amont de la COP28 fin 2023, le programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) a publié son "Emissions gap report 2023", dans lequel il estime le réchauffement à 2050 compte tenu des engagements pris, à 2,5°C au mieux.
Mais ceci est aussi vrai des enjeux environnementaux dans leur ensemble, et le « jour du dépassement », qui illustre l’empreinte excessive des activités humaines par rapport aux capacités de reconstitution de la planète, a lieu plus tôt chaque année.
Dans le cadre des transactions, les performances ESG des actifs font donc maintenant partie des négociations sur les prix. C’est réellement le cas chez Swiss Life Asset Managers et je ne peux que m’en réjouir.
Bien sûr, les acteurs du marché manquent toujours d’une méthode claire et partagée pour valoriser les performances ESG financièrement.
Mais à nouveau, il y a des raisons d’être optimiste, au regard du rapprochement entre investisseurs et experts en valorisation immobilière sur ces sujets. Au cours des six derniers mois, nous avons observé une évolution du positionnement des experts sur le sujet de la « valeur verte ». Conscients qu’ils ne peuvent plus en faire fi, ils sont de plus en plus nombreux à entrer dans un dialogue, voire une collaboration méthodologique avec les gérants de portefeuilles, dans le but de partager une vision commune sur la manière dont les valorisations peuvent prendre en compte les performances ESG. Je m’engage activement sur ce sujet aux côtés de mes collègues et de nos partenaires ; nos efforts devraient donc porter leurs fruits.
Les données ESG étant davantage disponibles et davantage prises en compte dans les raisonnements financiers, il faut donc s’attendre à une plus grande discrimination entre investissements vertueux et actifs obsolètes.
Certains sujets comme le bien-être des occupants, l’accessibilité aux personnes en situation de handicap, les mobilités douces et électriques, la promotion de la diversité et de l’inclusion, l’engagement avec les prestataires, sont traités par un nombre important d’acteurs et de produits d’investissement.
Le référentiel ISR, en requérant une prise en compte suffisante de ces sujets dans les référentiels, contribue à leur visibilité.
Le marché a maintenant besoin de progresser dans la rigueur avec laquelle les indicateurs S et G sont définis et suivis, à l’instar du mouvement initié sur les aspects environnementaux.
Les méthodologies relatives à l’investissement à impact, ou les exigences de la SFDR en termes de définition de l’investissement durable social, contribuent à ce mouvement. Chez Swiss Life Asset Managers, nous faisons l’exercice avec enthousiasme, pour plusieurs de nos fonds.
Si les thèmes sont sociaux et de gouvernance sont à ce stade moins cadrés, les progrès réels et le passage à l’échelle en matière de mise en œuvre, sont soumis aux mêmes enjeux qu’en matière environnementale.
Retrouvez Bruno Blavier et d’autres acteurs majeurs de l’immobilier actifs sur le marché français lors du prochain France GRI 2024, les 28 et 29 mai à Paris.
En prélude au France GRI 2024, Bruno Blavier, responsable ESG Real Estate chez Swiss Life Asset Managers France, a accordé une interview exclusive au GRI Club sur l’investissement responsable dans l’immobilier.
Qu’est-ce que l’investissement responsable?
L’investissement responsable est une démarche qui consiste à appliquer dans le cadre de l’investissement, les principes de la durabilité.Cela se traduit, au niveau des véhicules d’investissement, par des critères sur différents thèmes environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).
A titre d’exemple, on peut citer la sélection d’actifs immobiliers sobres énergétiquement, l’exclusion des actifs énergivores, ou la rénovation d’actifs pour les rendre plus performants.
Il résulte donc de la démarche d’investissement responsable, un certain niveau de performance extra-financière pour les portefeuilles et actifs sous-jacents.
Un nombre croissant d’investisseurs, de sociétés de gestions et fournisseurs de solutions d’investissement, sont convaincus qu’une démarche pertinente d’investissement responsable, est porteuse de création de valeur sur le long terme et permet de financer une économie plus vertueuse.
Les objectifs « net zero » à 2050 sont-ils tenables?
Dans le domaine immobilier, le cadre de référence pour fixer des objectifs de décarbonation en ligne avec les Accords de Paris, est celui du Carbon Risk Real Estate Monitor (CRREM).Le CRREM propose, pour chaque typologie d’actif et chaque pays, un budget annuel en matière d’intensité énergétique (en kWh/m²/an) et carbone (en kgCO2eq/m²/an) : les fameuses « courbes CRREM ».
Ces courbes résultent de la déclinaison d’un budget global permettant de limiter le réchauffement à 2°C, idéalement 1,5°C à horizon 2050.
Lorsqu’on cherche à identifier le potentiel de décarbonation d’actifs immobiliers précis, on remarque de grandes disparités.
Ainsi, un actif des années 1990, chauffé collectivement au gaz et encore jamais rénové, recèle un important potentiel technique d’amélioration en rénovation, compatible avec les trajectoires net zero 2050. La situation sera différente sur un actif haussmannien au chauffage individuel.
Certains portefeuilles peuvent être rendus compatibles avec une courbe « 1,5°C », d’autres seulement pour un une certaine période ou pas du tout. Néanmoins, actionner les leviers disponibles reste une bonne idée pour gérer le risque de transition.
Au-delà du potentiel technique, la concrétisation des ambitions net-zero dépend de leur faisabilité économique et financière. Concrètement, cela signifie savoir objectiver si les plans net-zero sont créateurs, protecteurs, ou à l’inverse destructeurs de valeur. C’est sur cet aspect essentiel que les acteurs de marché, en particulier Swiss Life Asset Managers, essaient actuellement d’apporter des réponses. Le sujet du financement, à des taux adaptés et de manière déconsolidante lorsque cela est possible, est également clé.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu’une grande part de la performance carbone d’un actif immobilier se joue en exploitation. Pour cette raison, il est important de piloter finement les actifs, notamment au travers de systèmes de gestion technique du bâtiment et autres technologies innovantes. Mais les comportements des utilisateurs, et leur mobilisation autour des démarches de sobriété, sont clés notamment pour éviter l’effet rebond.
Pour conclure, toutes les conditions nécessaires à la tenue des engagements net zero de l’Accord de Paris, ne sont aujourd’hui pas réunies. Il est également possible qu’à l’avenir, nous soyons amenés à nous référer à des courbes 2°C, voire 2,5°C. Ou que des ruptures technologiques changent la donne. Il n’en reste pas moins important d’agir dès maintenant, et de se préparer à agir dans le cadre du nouveau cycle immobilier. Swiss Life Asset Managers et ses clients s’emploient à matérialiser les ambitions ESG dans les investissements.
Lorsqu’on cherche à identifier le potentiel de décarbonation d’actifs immobiliers précis, on remarque de grandes disparités. (Credit: leungchopan | envato)
Les enjeux « climat » pour l’immobilier, se résument-ils aux courbes CRREM?
Les enjeux relatifs au carbone dit « opérationnel », sont à articuler avec d’autres enjeux climatiques matériels pour l’immobilier.D’une part, le carbone « embarqué » lors de la construction et des rénovations : C’est bien sur le cycle de vie complet qu’il faut regarder les émissions de gaz à effet de serre, pour prendre les décisions d’investissement les plus pertinentes. Chez Swiss Life Asset Managers, nous systématisons d’ores et déjà cette analyse dans le cadre des rénovations importantes.
D’autre part, le changement climatique étant déjà à l’œuvre, organiser la résilience des portefeuilles face aux risques physiques climatiques, est essentiel. C’est un sujet sur lequel les acteurs du marché sont moins matures, et auquel on n’accorde peut-être pas l’importance suffisante.
Certains risques, comme l’augmentation des températures moyennes, les vagues de chaleur, le retrait-gonflement des sols, vont s’accroître dans les années à venir. Ils sont susceptibles de mettre en péril le confort des occupants et/ou la pérennité des composants voire des édifices. Il est donc pertinent pour les acteurs de marché, d’aller au-delà d’une analyse superficielle de l’exposition aux risques des portefeuilles, et de déployer les méthodologies permettant d’identifier finement les vulnérabilités des actifs et de mettre en œuvre les actions d’adaptation au changement climatique, en bonne coordination avec les actions dite d’atténuation, c’est-à-dire la décarbonation.
Les investissements dans l’ESG ont-ils du retard?
Oui, clairement.En matière d’émissions de gaz à effet de serre (GES) tout d’abord : Les Accords de Paris ont été signés en 2015, et les trajectoires « net zero » de réduction des émissions de GES, permettant de limiter le réchauffement planétaire à 2°C, n’ont jusqu’ici pas été respectées.
C’est la raison pour laquelle, en immobilier, le CRREM a publié en 2023 une seconde version, plus exigeante, de ses courbes de références. Les émissions depuis 2015 ayant été trop élevées, le rythme de réduction nécessaire à la tenue des objectifs est, pour les années à venir, d’autant plus important.
En amont de la COP28 fin 2023, le programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) a publié son "Emissions gap report 2023", dans lequel il estime le réchauffement à 2050 compte tenu des engagements pris, à 2,5°C au mieux.
Mais ceci est aussi vrai des enjeux environnementaux dans leur ensemble, et le « jour du dépassement », qui illustre l’empreinte excessive des activités humaines par rapport aux capacités de reconstitution de la planète, a lieu plus tôt chaque année.
Le sommet climatique des Nations Unies COP28 a eu lieu à Dubaï en 2023. (Credit: AFP Photo)
Quels signes positifs?
Parmi les signes positifs, et en revenant spécifiquement à l’immobilier, on peut se réjouir que l’approche CRREM soit largement adoptée par les acteurs de marché, et que les performances énergie-carbone des actifs soient désormais regardées de près dans le cadre des transactions. Le fait que les acheteurs exigent des vendeurs des données précises sur les performances actuelles et les possibilités de décarbonation, matérialise une réelle prise en compte du risque de transition.Dans le cadre des transactions, les performances ESG des actifs font donc maintenant partie des négociations sur les prix. C’est réellement le cas chez Swiss Life Asset Managers et je ne peux que m’en réjouir.
Bien sûr, les acteurs du marché manquent toujours d’une méthode claire et partagée pour valoriser les performances ESG financièrement.
Mais à nouveau, il y a des raisons d’être optimiste, au regard du rapprochement entre investisseurs et experts en valorisation immobilière sur ces sujets. Au cours des six derniers mois, nous avons observé une évolution du positionnement des experts sur le sujet de la « valeur verte ». Conscients qu’ils ne peuvent plus en faire fi, ils sont de plus en plus nombreux à entrer dans un dialogue, voire une collaboration méthodologique avec les gérants de portefeuilles, dans le but de partager une vision commune sur la manière dont les valorisations peuvent prendre en compte les performances ESG. Je m’engage activement sur ce sujet aux côtés de mes collègues et de nos partenaires ; nos efforts devraient donc porter leurs fruits.
Les données ESG étant davantage disponibles et davantage prises en compte dans les raisonnements financiers, il faut donc s’attendre à une plus grande discrimination entre investissements vertueux et actifs obsolètes.
Qu’en est-il des sujets sociaux?
Les volets sociaux et de gouvernance, jusqu’alors parents pauvres de l’ESG, deviennent la nouvelle frontière.Certains sujets comme le bien-être des occupants, l’accessibilité aux personnes en situation de handicap, les mobilités douces et électriques, la promotion de la diversité et de l’inclusion, l’engagement avec les prestataires, sont traités par un nombre important d’acteurs et de produits d’investissement.
Le référentiel ISR, en requérant une prise en compte suffisante de ces sujets dans les référentiels, contribue à leur visibilité.
Le marché a maintenant besoin de progresser dans la rigueur avec laquelle les indicateurs S et G sont définis et suivis, à l’instar du mouvement initié sur les aspects environnementaux.
Les méthodologies relatives à l’investissement à impact, ou les exigences de la SFDR en termes de définition de l’investissement durable social, contribuent à ce mouvement. Chez Swiss Life Asset Managers, nous faisons l’exercice avec enthousiasme, pour plusieurs de nos fonds.
Si les thèmes sont sociaux et de gouvernance sont à ce stade moins cadrés, les progrès réels et le passage à l’échelle en matière de mise en œuvre, sont soumis aux mêmes enjeux qu’en matière environnementale.
Retrouvez Bruno Blavier et d’autres acteurs majeurs de l’immobilier actifs sur le marché français lors du prochain France GRI 2024, les 28 et 29 mai à Paris.